Homélie Noël Mission Ouvrière 2020

Dans Homélies

Noël en Mission Ouvrière, Villeurbanne le 19/12/20 – homélie

Ce soir, encore une fois, nous pouvons nous laisser surprendre par ce récit qui nous semble pourtant si familier. En effet, ce que nous venons d’entendre ne doit cesser de nous émerveiller. Souvenez-vous, au début de ce récit : « En ces jours-là parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie ».

Cette histoire ne commence pas par « il était une fois ». Luc ne nous raconte pas un conte merveilleux pour nous endormir… Non, Luc nous rapporte ce qui s’est réellement passé sur la terre de hommes, en un temps, en un lieu : il y a de 2 000 ans, en Palestine. Et c’est cela qui, déjà ce soir, nous rassemble. La nuit de Noël est unique. C’est la nuit où le temps des hommes et le temps de Dieu se mêlent dans une même histoire, définitivement.

« Un enfant nous est donné ». Par ces mots le prophète Isaïe annonçait déjà la venue du Sauveur. Mais dans le temps de Noël, nous ne sommes plus dans le temps de l’attente, le temps de la promesse, nous avons désormais à nous réjouir car la lumière et la paix sont venues à nous et elles ont maintenant un visage : celui d’un enfant, l’Emmanuel c’est-à-dire « Dieu avec nous », Dieu dans notre histoire. Étonnement, Dieu choisit ce qu’il y a de plus petit, de plus fragile en notre humanité pour venir nous rencontrer et se révéler : un enfant.

Les parents (les grands-parents) le savent bien, ils savent reconnaître dans les yeux des enfants le signe d’un avenir donné, le visage de l’espérance. Oui par son Fils, Dieu nous sauve du non-sens et nous fait le don de l’espérance. Il fait ce don à tous les hommes, sans exception.

Bien sûr, petits et grands, nous aimons entendre de belles histoires pour nous faire rêver et nous faire voyager dans des pays imaginaires, dans d’autres galaxies lointaines, là où les virus n’existeraient pas.  Mais l’enfant de la crèche que nous célébrons en la nuit de Noël n’est pas imaginaire ; cela s’est réellement passé. Et cela se passe encore ici et maintenant : Dieu vient, Il est venu, Il est là, présent parmi nous.

Mais voilà, la COVID est passée par là et avec elle les crises sanitaires, sociales et économiques. Alors comment vivre la joie et l’espérance de Noël dans un pareil contexte ? Après tant de deuils, tant de précarités qui se creusent toujours plus, tant de conflits mondiaux encore irrésolus, où trouver la joie de Noël ? Peut-être tout simplement dans le sourire des yeux au-dessus des masques, dans ces milliers de bénévoles mobilisés en soutien des plus touchés ? Là où la créativité a permis de nouvelles solidarités… Peut-être, aussi, comme le message de la Mission Ouvrière nous invite, en reconnaissant ces nouveaux héros du quotidien : les soignants, les balayeurs, les transporteurs, les pompiers, les caissières, les policiers, les livreurs, les agriculteurs, les routiers, les aides à domicile, les enseignants… Nous sommes loin de Superman, mais nous ne sommes pas très loin de Jésus.

Oui, au-delà de toute appartenance religieuse, ces femmes et ces hommes ont su prendre soin de nous, prendre soin de leur prochain. Leurs gestes expriment le service des autres, et souvent la tendresse, pour que reprennent force celles et ceux qui se sentent abandonnés. Comme Jésus, ils nous montrent que l’amour des autres nous pousse à aller plus loin que la peur et à croire en l’espérance. Les invisibles deviennent alors visibles. Quel beau témoignage !

Au cours de sa vie, Jésus nous émerveille par sa capacité à rencontrer l’autre, sans tabou, sans a priori : les Pharisiens, les pêcheurs, la Samaritaine, le légionnaire romain, etc. Ce souci de l’autre est inscrit au cœur de notre foi. Alors même si toutes les portes ont été fermées en cette nuit de Galilée, même si Joseph et Marie n’ont pas su où s’abriter, nous, nous pouvons tout faire aujourd’hui pour ouvrir nos portes et nos cœurs à ces hommes et à ces femmes que Dieu nous donne chaque jour à aimer. Et en premier lieu les plus petits, les plus fragiles. Ce sont eux à qui les anges annoncent la Bonne Nouvelle en premiers, les bergers de l’Évangile : les sans-nom, les sans-toit, les sans-papiers, les sans-emploi… Ce sont eux, qui, comme Jésus, n’ont pas de place dans la salle commune. Alors faisons leur de la place, car voilà l’occasion de nous réjouir ensemble, l’occasion de partager l’amour de Dieu qui vient.

Encore une fois, ceci n’est pas simplement une « belle histoire », c’est l’histoire de chacun d’entre nous à laquelle Dieu vient se mêler ; c’est l’histoire de toute l’humanité. Dieu partage aujourd’hui nos vies, ce faisant il nous fait créateurs d’avenir et bâtisseurs d’une Terre plus belle où tous les hommes sont appelés à vivre dignement et en frères. Là est la véritable joie de Noël.

Madeleine Delbrêl, assistante sociale et mystique ayant vécu en banlieue parisienne auprès des plus pauvres, écrivait : « Un jour de plus commence, Jésus en moi veut le vivre. Il ne s’est pas enfermé, il a marché parmi les hommes. Avec moi il est parmi les hommes d’aujourd’hui. Il va rencontrer chacun de ceux qui entreront dans la maison, chacun de ceux que je croiserai dans la rue. (…) A travers les proches frères qu’il nous fera servir, aimer, sauver, des vagues de sa charité partiront jusqu’au bout du monde, iront jusqu’à la fin des temps. Béni soit ce nouveau jour, qui est Noël pour la terre, puisqu’en moi Jésus veut le vivre encore. »

Alors, en cette nuit de Noël, comme Madeleine Delbrêl, osons à notre tour devenir des « porteurs de Dieu », des porteurs de la lumière de Noël ! Avec Jésus, osons vivre aujourd’hui, chaque jour, l’Évangile dans le monde. Oui, depuis cette nuit de Palestine, tout a changé. Plus rien ne doit nous apparaître ordinaire : un enfant est né, et il a définitivement tout changé. Joyeux Noël à notre monde !

 

Guillaume ROUDIER

Prêtre au travail, Mission de France

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