Le temps d’après ?
Le temps d’après ?
Il y a eu le temps du confinement avec dès les premiers jours un bouleversement dans nos rythmes de vie. Après quelques jours de flottement de nouvelles activités ont rythmé nos journées : place au télétravail, à l’école à la maison, à la cuisine, aux travaux et rangements dans sa maison ou appartement, au jardinage, aux visites virtuelles grâce au différentes techniques numériques, aux sorties autorisées, aux temps de prières seul(e) en famille, en paroisse, aux temps de méditation, aux lectures, aux gestes et actions de solidarité …
Pour certains ce fut un temps très riche, très créatif, mais pour d’autres, ce fut un temps de solitude, de crainte…Certains ont peut-être eu peur de s’ennuyer et d’autres non peut être pas eu assez de temps…
Mais pour tous il y aura eu le temps d’avant Covid-19, le temps de confinement et maintenant le temps du déconfinement. C’est un temps d’incertitude, un temps qui nous déstabilise. Nous ne savons pas comment celui-ci va évoluer dans les semaines à venir au gré de la couleur, rouge ou verte de notre région.
Nous allons devoir apprendre, dans les semaines à venir, à vivre avec le virus, avec les gestes de distanciation sociale. Nous sommes des êtres de relation où tous nos sens sont mis à contribution et en particulier le toucher. Comment alors dans nos assemblée, nos rencontres, nos réunions avoir ces gestes de fraternités, d’empathie, de consolation ? Comment faire fi de toutes les difficultés économiques, sociales rencontrées par des populations souvent déjà bien fragilisées ? Comment ne pas oublier ceux qui ne sont plus là ?
Nous avons beaucoup entendu ces mots Après le confinement comme si tout allait redevenir comme avant. Après ne veut pas dire comme avant.
Nous ne pouvons pas revenir en arrière et faire comme si…
Les disciples, eux aussi ont vécu des « temps d’avant et des temps d’après » qui ont totalement bouleversées leurs vies.
Il y eut le temps d’avant la rencontre avec Jésus et le temps d’après où ils sont appelés et envoyés annoncer la Bonne Nouvelle au monde entier.
Il y eut également le temps de la mort et de la résurrection de Jésus. Les disciples s’enferment par peur des juifs. Jésus est mort sur la croix et il est ressuscité. Les femmes le leur ont annoncé. Mais eux n’ont pas compris…
Et le temps d’après où Jésus vient à leur rencontre : Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Jean 20,19b
Sur le chemin d’Emmaüs deux disciples marchent, ils ne comprennent pas les évènements passés. Au moment de la bénédiction du repas ils découvrent que Jésus était avec eux et là tout va changer. Leur cœur tout brûlant ils retournent à Jérusalem pour témoigner dans la joie. Il y eu là aussi un avant et un après.
C’est grâce à cette « après Résurrection », au don de l’Esprit Saint promis par Jésus, donné et reçu , à tous les témoins de cette Espérance en un Dieu unique qui est Vie, Amour, Paix, Joie que nous sommes ce que nous sommes.
Dans cet après nous sommes appelés à poser un acte de foi dans la confiance, à reconnaître Jésus comme force de vie. Il nous donne son Esprit Saint pour Oser.
A chacun d’entre nous il est dit: Ne crains pas : je suis avec toi ; ne sois pas troublé : je suis ton Dieu. Je t’affermis ; oui, je t’aide, je te soutiens de ma main victorieuse Isaïe 41,110
Osons nous interroger : comment vivre cet après qui est en fait un présent ?
Comment être témoins de cette espérance qui me fait vivre ?
Geneviève – route approfondissement de la foi
Et tout s’est arrêté…
par Pierre Alain LEJEUNE, prêtre à Bordeaux
Ce monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait à sa perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence », cette gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause d’une toute petite bête, un tout petit parasite invisible à l’œil nu, un petit virus de rien du tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais que va-t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ; après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi ressemblera notre vie après ?
Après ?
Nous souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car nous aurons redécouvert comme il est bon de s’arrêter ; un long jour pour goûter le temps qui passe et les autres qui nous entourent. Et nous appellerons cela le dimanche.
Après ?
Ceux qui habiteront sous le même toit, passeront au moins 3 soirées par semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres et aussi à téléphoner à papy qui vit seul de l’autre côté de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.
Après ?
Nous écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Quel homme n’a jamais été et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle est la condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la sagesse.
Après ?
Nous applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais aussi les éboueurs à 6h, les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les chauffeurs de bus à 9h, les élus à 10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons redécouvert le sens du service de l’État, du dévouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela la gratitude.
Après ?
Nous déciderons de ne plus nous énerver dans la file d’attente devant les magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons redécouvert que le temps ne nous appartient pas ; que Celui qui nous l’a donné ne nous a rien fait payer et que décidément, non, le temps ce n’est pas de l’argent Le temps c’est un don à recevoir et chaque minute un cadeau à goûter. nous cela la patience.
Après ?
Nous pourrons décider de transformer tous les groupes WhatsApp créés entre voisins pendant cette longue épreuve, en groupes réels, de dîners partagés, de nouvelles échangées, d’entraide pour aller faire les courses où amener les enfants à l’école. Et nous appellerons cela la fraternité.
Après ?
Nous rirons en pensant à avant, lorsque nous étions tombés dans l’esclavage d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après, nous remettrons l’homme au centre de tout parce qu’aucune vie ne mérite d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. t nous appellerons cela la justice.
Après ?
Nous nous souviendrons que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de religion. Simplement parce que nous appartenons tous à l’espèce humaine. Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons aussi nous transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et nous appellerons cela l’humanité.
Après ?
Dans nos maisons, dans nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides et nous pleurerons celles et ceux qui ne verront jamais cet après. Mais ce que nous aurons vécu aura été si douloureux et si intense à la fois que nous aurons découvert ce lien entre nous, cette communion plus forte que la distance géographique. Et nous saurons que ce lien qui se joue de l’espace, se joue aussi du temps ; que ce lien passe la mort. Et ce lien entre nous qui unit ce côté -ci et l’autre de la rue, ce côté-ci et l’autre de la mort, ce côté-ci et l’autre de la vie, nous l’appellerons Dieu.
Après ?
Après ce sera différent d’avant mais pour vivre cet après, il nous faut traverser le présent. Il nous faut consentir à cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus éprouvante que la mort physique. Car il n’y a pas de résurrection sans passion, pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie sans avoir traversé la tristesse. Et pour dire cela, pour dire cette lente transformation de nous qui s’accomplit au cœur de l’épreuve, cette longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n’existe pas de mot.