Méditer avec Etty Hillesum
Cher(e)s ami(e)s dans le Christ.
Nous vous proposons aujourd’hui un temps de lecture/ découverte / méditation / contemplation à partir d’un texte d’Etty Hillesum ( 1914 – 1943 ).
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Jeune femme juive, elle a vécu à Amsterdam pendant la seconde guerre mondiale, puis en camp de transit à Westerbork, avant d’être déportée à Auschwitz. Commençant un travail de thérapie en 1941 avec un certain Julius Spier, elle vit une réelle découverte de Dieu en elle, dont elle se découvre responsable, sans avoir pour autant aucun code religieux, mais en lisant la Bible et des intellectuels comme Rilke ou Dostoïevski. Elle consigne par écrit et avec détail dans des cahiers le bouleversement qu’entraine cette rencontre sur son chemin de vie. [1]
Nous vous proposons ici un extrait de son journal intime dans lequel nous percevons sa grande liberté intérieure dans ce contexte de restriction de mouvements lié à sa judéité et au nazisme de l’époque.
[1] « Une vie bouleversée » Etty Hillesum, Edition du Seuil, 360 pages, 1995
« Ce matin en longeant à bicyclette le Stadionkade, je m’enchantais du vaste horizon que l’on découvre aux lisières de la ville et je respirais l’air qu’on ne m’a pas encore rationné. Partout des pancartes interdisaient aux juifs les petits chemins menant dans la nature. Mais au-dessus de ce bout de route qui nous reste ouvert, le ciel s’étale tout entier. On ne peut rien nous faire, vraiment rien.
On peut nous rendre la vie assez dure, nous dépouiller de certains biens matériels, nous enlever une certaine liberté de mouvement toute extérieure, mais c’est nous-même qui nous dépouillons de nos meilleures forces par une attitude psychologique désastreuse. En nous sentant persécutés, humiliés, opprimés. En éprouvant de la haine. En cranant pour cacher notre peur. On a bien le droit d’être triste et abattu, de temps en temps, parce qu’on nous fait subir : C’est humain et compréhensible. Et pourtant, la vraie spoliation, c’est nous-même qui nous l’infligeons.
Je trouve la vie belle et je me sens libre. En moi, des cieux se déploient aussi vastes que le firmament. Je crois en Dieu et je crois en l’homme.
J’ose le dire sans fausse honte. La vie est difficile mais ce n’est pas grave. Il faut commencer par « prendre au sérieux son propre sérieux », le reste vient de soi-même. Travailler à soi-même, ce n’est pas faire preuve d’individualisme morbide. Si la paix s’installe un jour, elle ne pourra être authentique que si chaque individu fait d’abord la paix en soi-même, extirpe tout sentiment de haine pour quelque race ou quelque peuple que ce soit, ou bien domine cette haine et la change en autre chose, peut-être même à la longue en amour – ou est-ce trop demander ? C’est pourtant la seule solution…
Ce petit morceau d’éternité qu’on porte en soi, on peut l’épuiser en un mot aussi bien qu’en dix gros traités. Je suis une femme heureuse, je chante les louanges de cette vie, oui, vous l’avez bien lu, en l’an de grâce 1942, en la énième année de guerre. ».
Nous constatons dans ce texte à quel point la liberté intérieure d’Etty la rend finalement libre à l’extérieur, malgré les contraintes.
La Vie, le Dieu qu’elle découvre en elle, la rend heureuse, au point de bouleverser son rapport à elle-même, aux autres, dans le contexte de haine et de peur bien imaginable de l’époque.
Étrange parallèle avec nos vies d’aujourd’hui, confinées, où ces mouvements légitimes peuvent nous traverser.
Ce texte est une invitation à repenser notre rapport aux évènements qui bousculent très concrètement nos organisations, nos convictions peut-être, notre rapport aux autres, à Dieu et à nous-mêmes, c’est sûr.
Quelques questions pour nous aider à cheminer avec Etty :
- De quelle manière est ce que je cultive et nourris mon intériorité aujourd’hui ? Comment est-ce que je prends soin de ce Dieu, Présence discrète à nos côtés, dont nous sommes devenus responsables auprès des Autres…. Seule(e) ? Avec d’autres ? Par quels moyens ? Avec les réseaux sociaux ? Méditation ? Présence gratuite au monde ? Place du silence dans ma vie ?
- La période que nous vivons est pleine d’incertitude. Ai-je peur ? De quoi ? Suis-je confiant(e) ? Par rapport à quoi ? Les émotions guident-elles mes choix ou ai-je un peu de distance pour organiser ma vie et les prioriser consciemment ?
- Nos manières de vivre sont bouleversées. Quels manques est-ce que j’éprouve ? Comment est-ce que je les gère ? De quoi aurai-je envie ? Quels désirs nouveaux émergent ? Quelle place tiennent les réseaux sociaux dans ma nouvelle organisation ?
- Quelle place est-ce que je donne à Dieu dans ce contexte ambiant ? Aux autres ? Quelle place est ce que je prends là où je suis pour la construction de notre monde, et dans ce contexte de guerre contre un virus ?
Ensemble, communauté de croyants en Dieu et en l’homme, puissions-nous cultiver notre intériorité, rester dans la gratitude d’une Vie qui nous est donnée, radicalement, pour continuer à devenir heureux, plus vivants de la vraie Vie, et tenir dans une espérance dont nous avons le devoir envers nos frères. Qu’avec Etty, nous puissions rester à l’écoute et disponibles à l’inattendu de Dieu et aux autres au cœur de nos vies bouleversées.
Bonne méditation à chacun(e) et à la semaine prochaine.
Flore, pour la route d’approfondissement de la foi.
Bonjour,
Merci pour ce texte qui est une grande leçon pour moi. Etty Hillesum est quelqu’un que j’admire.
Cette période est difficile pour moi. Oui, j’ai peur; j’ai peur parce que mes deux fils travaillent dans la santé. Oui, j’ai peur pour ma Maman âgée de 86 ans. Oui, j’ai peur pour ma fille et mon mari. Oui, j’ai peur lorsque j’ai du mal à respirer, sûrement à cause de l’angoisse, comme cela se produit régulièrement la journée et comme cela a été le cas cette nuit.
Ma famille me manque, mes amis me manquent, mon activité sportive me manque. Mais à travers cela, des relations particulières se créent avec les familles dont j’accompagne les enfants en catéchèse (je suis laïque en mission ecclésiale).
Alors, imaginez, lorsque j’ai lu le texte d’Etty Hillesum , mon sentiment. Ce sentiment que Dieu me fait signe à travers ce texte, qu’il me demande de lui faire confiance, de m’en remettre à Lui.
Merci beaucoup.
En union de prière.
Martine.